L'alimentation paysanne au haut Moyen Age
Dans l'antiquité romaine, l'alimentation est basée sur la triade blé-vin-huile issue d'une activité agricole importante. Ce régime alimentaire est devenu un symbole de civilisation pour les gréco-romains. Ainsi, les barbares, les non civilisés, sont ceux qui mangent de la viande élevée en semi-liberté et boivent du lait. Cette opposition entre les civilisations et les modèles alimentaires se durcit aux IIIe et IVe siècles, au moment où les populations germaniques exercent une pression de plus en plus forte sur l'empire romain. Avec la disparition de celui-ci, ce conflit disparaît grâce à un phénomène complexe d'intégration. Les nouvelles élites sociales germaniques adoptent une partie des valeurs romaines.
Une transformation du système de production:
Les trois aliments symboles de la civilisation romaine, pain, vin et huile, deviennent les aliments sacrés du christianisme et donc restent trés consommés pendant tout le Moyen Age. Parallèlement les pratiques des populations germaniques se développent comme la culture de la forêt, l'exploitation des ressources naturelles, de la chasse, de l'élevage d'animaux en semi-liberté, de la pêche et de la cueillette. ces activités qui étaient marginales et réservées aux pauvres dans l'Antiquité, acquièrent une grande valeur culturelle, autant que la culture du blé et de la vigne. Ces changements culturels provoquent une transformation de la production et de la consommation. C'est la mise en place du système sylvo-pastoral fondé sur l'exploitation de la forêt et des terres incultes accompagnée de l'extension des terres cultivées et de l'habitat rural. En effet le haut Moyen Age se caractérise aussi par une diminution de l'importance des villes et la mise en place d'une société rurale. Même le paysage urbain se ruralise avec des champs, des jardins, des près à l'intérieur des murs de la ville. La production agricole est directement consommée par les populations et la part qui alimente le marché est marginale. Le commerce est surtout centré sur les produits de luxe.
Une alimentation variée:
Ce système agricole assure une alimentation variée. Les terres cultivées apportent les céréales, les légumineuses et les légumes. Le bétail est élevé dans les clairières et les bois qui forment aussi une réserve en gibiers et produit de cueillette. Enfin les poissons sont péchés dans les lacs et les rivières.
Les études ont montré que le paysan européen mange de la viande en plus grande quantité qu'au Moyen Age central et même jusqu'au XVIIIe siècle. La viande la plus consommée par les ruraux est le cochon dans le nord de l'Europe et le mouton en zone méditerranéenne. Les porcs étaient à demi sauvage donc plus proche du sanglier et moins gros qu'aujoud'hui. Les boeufs sont d'abord élevés pour être utilisés dans les travaux des champs. Mais ils sont souvent abattus vers l'âge de 3-5 ans pour être mangés. La chasse et la péche apportent viande et poisson en quantité aux paysans et ce n'est qu'à partir du IX-X siècles que ces activités deviennent des privilèges réservès aux nobles.
Le lait est transformé en fromage. On boit rarement du lait car c'est considéré comme étant une pratique barbare. Les populations boivent des boissons alcoolisées et principalement du vin coupé avec de l'eau.
Les paysans cultivent des céréales pour leur consommation propre et non plus pour alimenter le marché urbain comme c'était le cas dans l'Antiquité. Ce changement a des conséquences sur les variétés de céréales cultivées. Si dans l'Antiquité le blé domine, au haut Moyen Age il est remplacé par des céréales inférieures plus rentables et moins exigeantes en soins comme le seigle et l'avoine, l'orge, l'épeautre, le mil ou le sorgho. Dans chaque ferme, les paysans cultivent une grande variété de céréales ayant des durées de croissance et des périodes de moisson différentes pour éviter les conséquences néfastes d'une mauvaise récolte.
Enfin, chaque ferme possède un potager à côté de la maison. C'est un espace de culture intensive où l'on fait pousser des légumes: navets, choux, oignons, poireaux, ails, salades, caraottes, panais, fenouil,...
Une cuisine rudimentaire:
Tous ces produits sont stockés et transformés par la paysanne pour la préparation des repas quotidiens. Les céréales sont consommées principalement sous forme de bouillies ou dans les soupes. Les légumineuses sont souvent réduites en farine et mélangées aux céréales pour faire du pain. Mais ce pain ressemble plutôt à une galette ou une fouace car les céréales utilisées sont pauvres en gluten et donc la pâte lève mal. Ces galettes sont cuites sous la cendre car les fours sont encore rares. Ce pain durcit vite donc on le trempe dans l'eau, le vin ou le bouillon pour le manger.
La viande est cuisinée bouillie dans l'eau qui sert ensuite à faire la soupe. La viande rôtie est le privilège des élites de la société.
La soupe est confectionnée avec les légumes du jardin et donc varie selon les saisons, chou et poireau en hiver, carottes, panais, navets en été.
Malgré sa monotonie, cette alimentation est suffisamment variée. des études sur les restes humains ont montré que le développement physiologique et les indices de croissance sont normaux. Les malformations sont rares et l'usure des dents est faible. Après le haut Moyen Age, cette variété de l'alimentation va diminuer jusqu'au début du XIXe siècle.
Cependant cette relative sécurité alimentaire n'empêche pas un espérance de vie faible à cause des maladies infectieuses nombreuses, des disettes liées aux fréquents pillages des récoltes, aux nombreuses guerres et aux violences de la noblesse.